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dimanche 26 avril 2020

4 février 2016 : Les traites de libre-échange américano-européens


Résumé : L'union européenne et certains pays du continent américain ont entamés voilà plusieurs années une démarche d'instauration de zones économiques de libre-échange. Aussi, les traités en découlant couvraient jusqu'à présent un spectre spécifique et ne globalisait pas le libre-échange jusqu'à obtenir une zone économie non homogène sans barrières douanière ni réglementaire. Les nouveaux traités qui seront ratifiés en 2016 ont de cela de nouveau qu'il globalise le paradigme par des négociations supra-nationales difficilement contrôlables par la représentation nationale. Ces traités, bien que nous ne connaissons que partiellement le contenu, posent de nombreuses questions, tant démocratique, économique, monétaire, industriel, sanitaire et environnemental.


  1. Introduction
Les accords1 de partenariat économique, de coordination politique et de coopération ne date pas d'hier. En 1990, soit un an après la chute du mur de Berlin, les états-unis et l'union européenne signent ensemble la première résolution2 transatlantique. Le sommet union européenne – états unis de décembre 1995 lance la construction institutionnelle de relations transatlantiques, avec l'adoption d'une déclaration d'engagement politique, du nouvel agenda transatlantique (NAT) et d'un programme d'action commun approfondi. Puis, négocié secrètement entre 1995 et 1997 par les 29 états membres de l'OCDE, l'accord multilatéral sur l'investissement (AMI) fut la première tentative3 d'établissement d'un grand marché transatlantique. Par ailleurs, un accord de ce type fut conclut, entre la communauté européenne et ses états membres, d'une part, et les états-unis du Mexique d'autre part le 8 décembre 1997 à Bruxelles et est entré en vigueur le 1er octobre 2000. L'accord a créé un libre-échange entre le Mexique et l'Union européenne (FTA EU-MX) et concernait principalement les taxes applicables aux importations et exportations de services et de marchandises.
Contrairement à ce premier accord qui fut présenté à la représentation nationale en 1997 et qui a fait l'office de débats dans les assemblées4 , le traité de libre-échange transatlantique (TAFTA en anglais) semble échapper à tous contrôles démocratiques jusqu'à présent. Le partenariat transatlantique de commerce et d'investissement (PTCI, TTIP en anglais) ou TAFTA est un accord commercial de négociation entre l'union européenne et les états-unis prévoyant la création d'une zone de libre-échange transatlantique souvent appelée grand marché transatlantique5.
Depuis 20066, le parlement européen adopte régulièrement des résolutions7 invitant à la création effective d'un marché transatlantique :
- résolution n° 2006-0238 du 1 juin 2006 relatif à l'accord de partenariat transatlantique union européenne / états-unis ;
- résolution n° 2006-0239 du 1 juin 2006 relatif aux relations économiques transatlantiques union européenne / états-unis ;
- résolution n° 2007-0155 du 25 avril 2007 relatif aux relations transatlantiques ;
- résolution n° 2008-0192 du 8 mai 2008 relatif au conseil économique transatlantique ;
- résolution n° 2008-0256 du 5 juin 2008 relatif au sommet union européenne / états-unis ;
- résolution n° 2009-0193 du 26 mars 2009 relatif à l'état des relations transatlantiques suite aux élections aux états-unis ;
- résolution n° 2010-0396 du 11 novembre 2010 relatif au prochain sommet union européenne / états unis et conseil économique transatlantique ;
- résolution n° 2011-0510 du 17 novembre 2011 relatif au sommet union européenne / états-unis du 28 novembre 2011 ;
- résolution n° 2012-0388 du 23 octobre 2012 relatif aux relations commerciales et économiques avec les états-unis ;
- résolution n° 2013-0227 du 23 mai 2013 relatif aux négociations en vue d'un accord en matière de commerce et d'investissement entre l'union européenne et les états-unis ;
- résolution n° 2013-0280 du 13 juin 2013 relatif au partenariat transatlantique élargi.
  1. Elaboration, ratification : Démocratique ?
Le 12 mars 2013, la commission européenne publie un projet de mandat8 de négociation pour un « partenariat transatlantique de commerce et d'investissement ». Les négociations se déroulent dans le plus grand secret9 par 8 cycles :
- cycle 1 du 8 au 12 juillet 2013 à Washington ;
- cycle 2 du 11 au 15 novembre 2013 à Bruxelles ;
- cycle 3 du 16 au 20 décembre 2013 à Washington ;
- cycle 4 du 10 au 14 mars 2014 à Bruxelles ;
- cycle 5 du 19 au 29 mai 2014 à Washington ;
- cycle 6 du 14 au 17 juillet 2014 à Bruxelles ;
- cycle 7 du 29 septembre au 3 octobre 2014 à Washington ;
- cycle 8 du 2 au 6 février 2015 à Bruxelles ;
- cycle 9 du 20 au 24 avril 2015 à New York ;
- cycle 10 du 13 au 17 juillet 2015 à Bruxelles ;
- cycle 11 du 19 au 23 octobre 2015 à Miami.
Pour être effectif, le traité devra être ratifié du côté européen par le parlement européen. Si mixte10, il pourra être ratifié par les parlements nationaux. Les instigateurs du projet qualifient ce traité de commerciaux, depuis le 22 mai 2014, plusieurs députés français et politiques allemands le qualifient de mixte.
Le 28 mai 2015, la commission du commerce international du parlement européen approuve par 28 voix pour et 13 contre une résolution soutenant les négociations. Après un report d'un mois, le parlement européen se prononce en séance plénière en faveur de cette résolution par 436 pour, 241 contre (dont les socialistes français et belges) et 32 abstentions.
En outre, pour la France, l'article 53 de la constitution prévoit que les traités commerciaux ne peuvent être ratifiés « qu'en vertu d'une loi ». Toutefois, la ratification par la France du traité de Lisbonne transfère la signature de traités de commerce à la compétence exclusive de l'union européenne et le parlement français n'a plus à être consulté de façon obligatoire lors de la signature de tels traités par l'UE, sauf si ces traités comportent d'autres dispositions commerciales.
Du côté américain, le traité devra être ratifié par le congrès des états-unis. La majorité des sénateurs est favorable.
3. Contenu
Le contenu de l'accord final n'est pas totalement connu mais certaines informations permettent déjà d'en connaître les contours, compte-tenu des éléments connus des résolutions et des traités similaires déjà négociés. Son périmètre bien plus large que le commercial, installe les fondements même d'une volonté de fédéralisme international comme le souhaitait Kant lorsqu'il parlait de la création d'une république universelle la Volksrepublik qui fusionnerait les États en un seul. Cet accord est donc une nouveauté dans les accords de ce type. Il les dépasse et touche à plusieurs fondements de souveraineté, comme l'harmonisation des normes ou le règlement des différends investisseurs – états. Les principales mesures sont :
- abolition des droits de douane : Bien que les états-unis et l'union européenne bénéficient déjà d'une intégration économique avancée, avec des droits de douane relativement faibles, les 2 blocs n'ont pas ouverts jusqu'à présent certains secteurs qui pourraient souffrir de l'ouverture totale : l'agro-alimentaire, le textile, l'habillement, la chaussure, le ferroviaire, les tracteurs, les voitures, les camions, les matières premières raffinés, l'aéronautique, le spatial etc.
- harmonisation des normes : Les accords transatlantiques devraient induire « une harmonisation11 progressive des réglementations et de la reconnaissance des règles et normes en vigueur », les pays signataires devant s'engager à une « mise en conformité de leurs lois, de leurs règlements et de leurs procédures » avec les dispositions du traité. Dans ce cadre, la loi n'est plus l'émanation de la nation, de la représentation nationale, mais une retranscription de lois et règles édictées par des corporations commerciales marchandes n'ayant pour fin que la production d'argent. L'intérêt général n'est plus, l'argent devient le maître de la pensée et non pas le moyen d'échange. L'inversion des valeurs économiques est complète.
- ouverture des marchés publics : Les marchés publics européens seront ouverts aux entreprises américaines et vis-versa.
- règlement des différends investisseurs-états : L'accord prévoit un mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et états par l'utilisation d'arbitres12 indépendants.
4. Enjeux et défis
Les partisans de l'accord tablent sur une croissance économique qui restent très faibles pour l'UE (+0,32%) et plus avantageuse pour les pays du continent américain (1 à 4% selon les pays). Beaucoup d'économistes européens doutent du bienfaits de ce traité sur l'économie européenne. Les modèles utilisés par les institutions internationales surestiment « dans des proportions importantes » les aspects positifs de ces accords. Les experts prédisent a contrario une forte hausse du chômage dans l'union européenne et une perte de marché dans les domaines aéronautique, spatial, agro-alimentaire.
En effet, évoluant dans une zone économique non homogène, avec des normes environnementales, sanitaires et sociales différentes, l'harmonisation se fera par le bas. Les textes en discussion contiennent déjà des mesures visant à l'harmonisation des réglementations affectant le commerce. Les négociations pourraient affecter notamment les règles relatives à l'alimentation, la santé publique, la vie privée et à certaines conventions collectives dans les secteurs susceptibles d'être ouverts à la concurrence.
De fait, de nombreux secteurs seraient touchés par ces accords de libre-échange et les normes13 et réglementations remises en cause comprendraient les normes sanitaires14 pour l'alimentation et la sécurité, la protection de l'environnement, le contrôle de l'impact carbone, la protection des données numériques personnelles, la réglementation de la finance et l'accès des entreprises étrangères aux marchés publics.
Enfin, le principe d'extraterritorialité15 est contraire au principe de souveraineté. Il permet à un État d'imposer l'application de ses propres lois sur un pays étranger.


5. Mon analyse
A l'instar de mon analyse sur les dérives de la construction européenne actuellement, je pense que ces traités forment une nouvelle étape dans la volonté d'intégration cosmopolitique de gouvernement mondial supprimant toutes subsidiarité, volonté du peuple, souveraineté.
Ce modèle peut s'apparenter à un nouveau concept de gouvernance qui se caractérise par le pouvoir du profit uniquement sans se soucier de la finalité première de toute activité, le bien commun et le service de l'Homme.
La mise en place des dispositions de ces traités aura une triple conséquence :
- politique : la représentation nationale, émanation de la nation n'aura plus de pouvoirs décisionnels et devra entériner, retranscrire des lois, normes, décisions prises par des organismes étrangers, des organisations commerciales comme des multinationales, creusant encore plus le fossé existant entre la politique et le citoyen ;
- normative : la convergence normative induite par l'application des traités et surtout le mécanisme d'imposition de normes par des groupements commerciaux et par d'autres états, provoquera un abaissement de la sécurité sanitaire, technologique et une baisse des normes sociales (baisses de la protection sociale et des salaires) ;
- économique : la concurrence déloyale réalisée par les entreprises américaines, mexicaines et canadiennes, les accords commerciaux multilatéraux avec le Brésil et la Chine va conduire à shunter d'autres barrières douanières que celles négociées par les traités en attente de ratification, conduisant à une concurrence déloyale au sein du secteur privé et public des états membres de l'union, réduisant les débouchés pour les entreprises européennes.
6. Mes propositions
Afin de limiter l'impact de ces traités, il faut :
- les dénoncer dans les médias ;
- identifier les secteurs stratégiques menacées et demander une exclusion d'application ;
- promouvoir la souveraineté des peuples et refuser le chapitre relatif à l'arbitrage et aux règles d'extraterritorialité. ;
- analyser les traités existants et leurs conséquences sur la souveraineté des peuples, leurs indépendances économiques, politiques, budgétaires, monétaires, normatives et promouvoir la préférence communautaire.


1 Ce type d'accord dit « global » vise à un développement bilatéral des relations dans divers domaines (économique, politique, culturel, etc.) : Le Mexique a été le premier pays d'Amérique a en avoir ratifié un. Il s'oriente vers un dialogue politique renforcé entre les instances de l'union européenne et le mexique, mais également, des pays membres de l'union européenne : A cet effet, sont organisés des sommets biennaux des représentants politiques, du conseil conjoint (niveau ministériel) et du comité conjoint (niveau hauts fonctionnaires). Sur le plan économique, la libéralisation et le développement des échanges ont été accélérés avec la signature d'un traité de libre échange en 1997. La coopération est renforcée avec un investissement de l'union européenne dans 3 secteurs principaux : cohésion sociale et bonne gouvernance, développement économique et compétitivité, culture et éducation.

2 Promotion des principes de l'économie de marché, rejet du protectionnisme, renforcement et ouverture à un système de commerce multilatéral.

3 Divulguée in extremis, la copie soulève une vague de protestations populaires, ainsi que l'opposition du gouvernement français contraignant ses promoteurs à l'abandonner.

5 En cas de signature, le traité instituera la zone de libre-échange la plus importante de l'histoire, couvrant 45,5 % du PIB mondial.

7 Ces résolutions se caractérisent par une politique de convergence UE/EU, notamment concernant le volume de leurs PIB respectifs, leur modèle d'économie de marché et leur stratégie commune en matière de politique étrangère, d'où en termes militaires, le retour de la France totalement dans l'OTAN et le manque de stratégie de la PESC qui se trouve asphyxié par l'omniprésence de l'OTAN.

8 Alors que les états membres de l'union européenne ne sont pas prévenus, le conseil des ministres du commerce des états-membres de l'union européenne adopte le projet le 14 juin 2013. Le mandat est porté à la connaissance des parlements nationaux et du public que le 9 octobre 2014. La France obtient l'exclusion du champ de l'accord des services audiovisuels au nom de l'exception culturelle.

9 Le manque de transparence du processus et le caractère asymétrique des informations sont dénoncés par de nombreux acteurs comme une atteinte à la démocratie. Les citoyens n'ont aucun accès ni aux documents préparatoires, ni aux comptes-rendus des négociations, même les parlementaires n'en connaissent pas le détail. 11 états membres de l'UE s'opposent à la diffusion du mandat. En octobre 2015, le président du Bundestag menace de dire non au traité transatlantique, à la suite du refus de l'ambassade américaine de Berlin de laisser une délégation de parlementaires allemands consulter les documents des négociations.

10 Comportant des dispositions autres que spécifiques commerciales.

11 Cette intégration passant par la convergence normative, la reconnaissance mutuelle des systèmes par l'accréditation, visant à toujours plus consommer sans se soucier de la finalité de l'économie qui doit rester au service de l'Homme.

12 Le recours à l'arbitrage est présent dans de nombreux traités de libre-échange et a pour objectif d'accorder plus de pouvoir aux entreprises face aux états, en permettant à une firme d'attaquer un état devant un tribunal arbitral international : le centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (Cirdi), qui est un organe dépendant de la banque mondiale basé à Washington.

13 L'adoption de normes plus restrictives par la suite, pour répondre aux préoccupations de la société civile ou à de nouveaux enjeux, pourrait être freinée par l'existence d'un accord si l'une des parties s'oppose à cette modification.

14 Des tentatives de suppression des réglementations en matière de santé publique sont confirmées par les discours des associations patronales. Ainsi, l'association nationale des confiseurs américains explique que « l'industrie américaine voudrait que le TUPP avant sur cette question en supprimant la labellisation OGM et les normes de traçabilité et le conseil national des producteurs de porc affirme que les producteurs de porc américains n'accepteront pas d'autre résultat que la levée de l'interdiction européenne de la ractopamine alors que cet additif bêta-agoniste est interdit dans 160 pays dont ceux de l'union européenne, la russie et la chine.

15 Bien que défini par d'autres fondements législatifs, ce principe rappelle les péripéties des banques françaises condamnées par les états-unies à de lourdes amendes pour avoir commercer avec des pays sous embargos américains.