Toutes les technologies
nucléaires, dans le monde, et quelque soit leur concept, ont un même
point commun. Dans le cadre de la guerre froide et avec la volonté
de produire rapidement du plutonium militaire, la technologie
nucléaire n’a pas été pensée sur des critères de sûreté.
D’où, même si la liste des accidents majeurs (Three Miles Island,
Tchernobyl, Fukushima) est courte, la production nucléaire
d’électricité est dangereuse. Aucun de ces trois accidents
n’était prévisible !
D’où cette question très
peu posée : dans le cadre d’une production d’énergie
fondée sur la fission nucléaire, existe-t-il des technologies
alternatives ? La réponse est oui. L’un des exemples les plus
intéressants est celui des centrales mobilisant le Thorium
et non plus l’Uranium comme combustible, assortie d’une technique
de refroidissement dite à sels fondus. Dans ce schéma, quelques
caractéristiques suffisent à illustrer l’intérêt du minerai de
Thorium.
Son abondance
est quatre fois plus importante que l’Uranium. La France possède
un stock déjà extrait pouvant assouvir ses besoins énergétiques
pour les 200 prochaines années à consommation stable d’énergie
électrique. Elle possède de vastes ressources minières non encore
exploitées. L’actuelle concentration d’Uranium dans le cœur
d’une centrale est de 100 tonnes ! Avec le Thorium, non
fissible au départ, on adapte sans cesse la quantité de
combustible.
En cas d’accident, le
réacteur est immédiatement arrêté.
Enfin, ne permettant pas la production de matière nucléaire à
usage militaire, il empêche toute prolifération.
ELEMENTS DE CONTEXTE
En France, le parc des
centrales nucléaires en fonctionnement commence à décroître depuis 2020 et il faut d’ores et déjà prévoir son renouvellement. Le
nucléaire va se développer dans les pays émergents. Le cours de
l’uranium sera revu à la hausse (raréfaction des ressources,
besoins accrus).
Les politiques, dans les
années 2000, face à l’échec de Superphénix, ont mis de côté
les nouvelles technologies nucléaires et ont demandé aux
industriels d’améliorer les technologies existantes : EPR.
Pourtant, d’autres pays, comme la Chine, ont déjà mis en service cette 4ème
génération de réacteurs nucléaires.
Parmi les critères de
sélection : un rendement énergétique accru et une moindre
production de déchets hautement radioactifs.
Ces réacteurs doivent
également diminuer drastiquement la consommation de combustible
nucléaire. Pour cela, il faut qu’ils produisent leurs propres
noyaux fissiles. Deux voies sont envisagées : le cycle
uranium/plutonium
(U/Pu) et le cycle thorium/uranium
(Th/U)
PRINCIPE
Le thorium
sera utilisé dans un réacteur à sels fondus
(RSF). Il permet de réduire les quantités de certains déchets. Le
combustible nucléaire est contenu dans le liquide de refroidissement
qui entre et sort du cœur du réacteur.
Ce liquide est constitué de
sel fondu,
qui, outre son excellente capacité à évacuer la chaleur, n’absorbe
pas les précieux neutrons qui entretiennent la réaction.
En sortant
du cœur, il transmet sa chaleur à un circuit secondaire chargé,
lui, de faire tourner les turbines électriques.
Il existe deux grandes
familles de réacteurs à sels fondus :
Point fort du procédé :
Le sel peut être débarrassé en continu des produits de fission
défavorables au maintient de la réaction en chaîne.
LA RESERVE FRANCAISE DE
THORIUM
La France possède assez de
thorium pour fournir ses besoins en électricité (consommation
constante) pendant 200 ans. La réserve de minerai de thorium déjà
extrait est de 8500 tonnes,
sans compter l’alliage Thorium/Acier détenu comme déchet par les armées françaises (1300 m3).
Il reste de nombreuses mines
non exploitées en France comme en Bretagne.
LE POTENTIEL
ENERGETIQUE ET SECURITAIRE DU THORIUM
Une tonne de thorium produit
autant d’énergie que 200 tonnes d’uranium ou 3,5 millions de
tonnes de charbon ; les réserves mondiales de thorium sont
trois fois supérieures à celles de l’uranium.
Il est très répandu, facile
à extraire. Suite au processus nucléaire, il n’y a pas de
production de plutonium, utilisé à des fins militaires.
Il n’y a
pas de risque de réaction en chaine incontrôlée comme à
Tchernobyl.
L’absence d’eau sous pression (réacteur français)
ou d’eau bouillante (réacteur japonais) supprime le risque
d’explosion d’un gaz de vapeur et d’hydrogène (Fukushima).
Le
thorium est stable et incapable de se diviser s’il n’est pas
soumis à un bombardement permanent de neutrons.
Si l’on coupe
l’appareil qui assure cette fonction, la réaction s’arrête
immédiatement. Ce facteur est devenu très important après
l’accident de Fukushima.
Les cœurs peuvent être
vidangés en quelques minutes en cas d’accident.
Un bouchon de sel
est en permanence maintenu gelé par une source froide : en cas
de défaillance de la centrale, la chaleur du sel environnant le fait
fondre, le sel s’écoule alors par gravité dans un réservoir
conçu pour permettre l’arrêt à froid par convection thermique.
Les points forts du thorium
sont donc la sécurité, une grande efficacité énergétique et
l’impossibilité de l’utiliser à des fins militaires.
LE THORIUM, UN ENJEU
GEOPOLITIQUE
S’appuyant sur les anciens
travaux du physicien français Edgard Nazare, des savants soviétiques
ont élaboré de nouvelles technologies, mais n’ont pas eu le temps
de les développer (Perestroïka).
Pékin, qui investit aujourd’hui
massivement dans la recherche dans ce domaine, se positionne pour
l’avenir.
L’année 2013 en Chine
est l’année du thorium. 350 millions de dollars ont déjà été
attribués à l’Académie nationale de sciences chinoise pour la
recherche sur l’énergie que l’on peut tirer du thorium :
140 spécialistes y travaillent, ils seront 700 en 2015.
L’Italien Carlo Rubbia, prix
Nobel de physique et ancien directeur de l’Organisation européenne
pour la recherche nucléaire (CERN), préconise d’accentuer
rapidement la recherche sur le thorium afin de breveter la
technologie avant les Chinois.
L’indépendance énergétique
des 100 prochaines années de l’Europe est en jeu.
L’Inde mentionne clairement
le thorium dans son programme énergétique.
PROPOSITION DE SCENARII
DE TRANSITION ENERGETIQUE
Pour démarrer un RSF thorium,
de 1,2 t (neutrons lents) à 6 t (neutrons rapides) d’uranium 233
sont nécessaires. Il est possible de produire ce combustible dans un
réacteur classique, mais aussi d’utiliser des déchets nucléaires
transuraniens, du plutonium 239 ou de l’uranium 235.
Un scénario de transition du
parc de réacteurs nucléaires à eau légère vers un parc RSF
consisterait à brûler le plutonium existant en REP sur matrice
thorium (TOX) de sorte à constituer un stock d’uranium 233 pour le
démarrage de RSF.
Ce scénario permettrait une production massive
d’U233 sans investissement lourd dans de nouveaux réacteurs et de
réduire rapidement les stocks de plutonium.
En contrepartie, les
premiers RSF à neutron rapide qui seraient construits recevraient
des actinides et des transuraniens issus de la filière uranium.
Application du parc de
réacteurs à eau pressurisée de la France :
Le parc nucléaire français est suffisant pour démarrer 1 à 2 RSF
par an. La transition prendrait deux décennies. Les réacteurs
seraient des surgénérateurs, de l’ordre de 2 à 10 % selon les
conceptions.
La production d’électricité nucléaire pourrait
ensuite croître à un rythme comparable à l’augmentation de la
demande d’électricité en France. Il serait aussi possible de
miser sur un parc nucléaire mixte.
PROJETS DE RECHERCHE EN
COURS DANS LE MONDE
Le projet de plus grande
ampleur est mené par la Chine. Le projet serait doté d’un
financement de 250 millions de dollars et prévoit d’aboutir dans
moins de 20 ans. Le Dr Jiang Mianheng, fils de l’ancien premier
secrétaire Jiang Zenin, dirige le projet. A noter que les USA
collaborent avec la Chine sur ce projet ;
En France, le CNRS de
Grenoble étudie, à très petite échelle, les avantages et les
inconvénients de cette filière nucléaire en émergence ;
CONCLUSION
Au vu du potentiel incroyable
du thorium pour notre indépendance énergétique, au vu du risque de
brevet exclusif obtenu par la Chine, au vu des difficultés relatifs
aux EPR, au vu des délais importants d’industrialisation de la
fusion nucléaire (projet ITER), je préconise de lancer très
rapidement un plan de recherche très ambitieux pour se doter avant
la fin de la décennie de réacteurs au thorium et devenir leader
dans cette technologie d’avenir.
La France possède les
chercheurs nucléaires, les matières premières pour mener à termes
ce projet en moins de 5 ans.