dimanche 5 septembre 2021

Nucléaire au Thorium : L'avenir de l'indépendance énergétique de la France !

 Toutes les technologies nucléaires, dans le monde, et quelque soit leur concept, ont un même point commun. Dans le cadre de la guerre froide et avec la volonté de produire rapidement du plutonium militaire, la technologie nucléaire n’a pas été pensée sur des critères de sûreté. D’où, même si la liste des accidents majeurs (Three Miles Island, Tchernobyl, Fukushima) est courte, la production nucléaire d’électricité est dangereuse. Aucun de ces trois accidents n’était prévisible !


D’où cette question très peu posée : dans le cadre d’une production d’énergie fondée sur la fission nucléaire, existe-t-il des technologies alternatives ? La réponse est oui. L’un des exemples les plus intéressants est celui des centrales mobilisant le Thorium et non plus l’Uranium comme combustible, assortie d’une technique de refroidissement dite à sels fondus. Dans ce schéma, quelques caractéristiques suffisent à illustrer l’intérêt du minerai de Thorium.

Son abondance est quatre fois plus importante que l’Uranium. La France possède un stock déjà extrait pouvant assouvir ses besoins énergétiques pour les 200 prochaines années à consommation stable d’énergie électrique. Elle possède de vastes ressources minières non encore exploitées. L’actuelle concentration d’Uranium dans le cœur d’une centrale est de 100 tonnes ! Avec le Thorium, non fissible au départ, on adapte sans cesse la quantité de combustible.

En cas d’accident, le réacteur est immédiatement arrêté. Enfin, ne permettant pas la production de matière nucléaire à usage militaire, il empêche toute prolifération.




  1. ELEMENTS DE CONTEXTE


En France, le parc des centrales nucléaires en fonctionnement commence à décroître depuis 2020 et il faut d’ores et déjà prévoir son renouvellement. Le nucléaire va se développer dans les pays émergents. Le cours de l’uranium sera revu à la hausse (raréfaction des ressources, besoins accrus).


Les politiques, dans les années 2000, face à l’échec de Superphénix, ont mis de côté les nouvelles technologies nucléaires et ont demandé aux industriels d’améliorer les technologies existantes : EPR. 

Pourtant, d’autres pays, comme la Chine, ont déjà mis en service cette 4ème génération de réacteurs nucléaires. 

Parmi les critères de sélection : un rendement énergétique accru et une moindre production de déchets hautement radioactifs. 

Ces réacteurs doivent également diminuer drastiquement la consommation de combustible nucléaire. Pour cela, il faut qu’ils produisent leurs propres noyaux fissiles. Deux voies sont envisagées : le cycle uranium/plutonium1 (U/Pu) et le cycle thorium/uranium2 (Th/U)


  1. PRINCIPE


Le thorium3 sera utilisé dans un réacteur à sels fondus4 (RSF). Il permet de réduire les quantités de certains déchets. Le combustible nucléaire est contenu dans le liquide de refroidissement qui entre et sort du cœur du réacteur. 

Ce liquide est constitué de sel fondu5, qui, outre son excellente capacité à évacuer la chaleur, n’absorbe pas les précieux neutrons qui entretiennent la réaction. 

En sortant du cœur, il transmet sa chaleur à un circuit secondaire chargé, lui, de faire tourner les turbines électriques.

Il existe deux grandes familles de réacteurs à sels fondus :

  • les réacteurs à neutrons libres6 ;

  • les réacteurs à neutrons rapides7.



Point fort du procédé : Le sel peut être débarrassé en continu des produits de fission8 défavorables au maintient de la réaction en chaîne.

LA RESERVE FRANCAISE DE THORIUM


La France possède assez de thorium pour fournir ses besoins en électricité (consommation constante) pendant 200 ans. La réserve de minerai de thorium déjà extrait est de 8500 tonnes9, sans compter l’alliage Thorium/Acier détenu comme déchet par les armées françaises (1300 m3).

Il reste de nombreuses mines non exploitées en France comme en Bretagne.


  1. LE POTENTIEL ENERGETIQUE ET SECURITAIRE DU THORIUM


Une tonne de thorium produit autant d’énergie que 200 tonnes d’uranium ou 3,5 millions de tonnes de charbon ; les réserves mondiales de thorium sont trois fois supérieures à celles de l’uranium.


Il est très répandu, facile à extraire. Suite au processus nucléaire, il n’y a pas de production de plutonium, utilisé à des fins militaires. 


Il n’y a pas de risque de réaction en chaine incontrôlée comme à Tchernobyl.


L’absence d’eau sous pression (réacteur français) ou d’eau bouillante (réacteur japonais) supprime le risque d’explosion d’un gaz de vapeur et d’hydrogène (Fukushima). 


Le thorium est stable et incapable de se diviser s’il n’est pas soumis à un bombardement permanent de neutrons. 


Si l’on coupe l’appareil qui assure cette fonction, la réaction s’arrête immédiatement. Ce facteur est devenu très important après l’accident de Fukushima.


Les cœurs peuvent être vidangés en quelques minutes en cas d’accident. 


Un bouchon de sel est en permanence maintenu gelé par une source froide : en cas de défaillance de la centrale, la chaleur du sel environnant le fait fondre, le sel s’écoule alors par gravité dans un réservoir conçu pour permettre l’arrêt à froid par convection thermique.


Les points forts du thorium sont donc la sécurité, une grande efficacité énergétique et l’impossibilité de l’utiliser à des fins militaires.

  1. LE THORIUM, UN ENJEU GEOPOLITIQUE


S’appuyant sur les anciens travaux du physicien français Edgard Nazare, des savants soviétiques ont élaboré de nouvelles technologies, mais n’ont pas eu le temps de les développer (Perestroïka). 


Pékin, qui investit aujourd’hui massivement dans la recherche dans ce domaine, se positionne pour l’avenir.



L’année 2013 en Chine10 est l’année du thorium. 350 millions de dollars ont déjà été attribués à l’Académie nationale de sciences chinoise pour la recherche sur l’énergie que l’on peut tirer du thorium : 140 spécialistes y travaillent, ils seront 700 en 2015.



L’Italien Carlo Rubbia, prix Nobel de physique et ancien directeur de l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN), préconise d’accentuer rapidement la recherche sur le thorium afin de breveter la technologie avant les Chinois.

L’indépendance énergétique des 100 prochaines années de l’Europe est en jeu.

L’Inde mentionne clairement le thorium dans son programme énergétique11.

  1. PROPOSITION DE SCENARII DE TRANSITION ENERGETIQUE


Pour démarrer un RSF thorium, de 1,2 t (neutrons lents) à 6 t (neutrons rapides) d’uranium 233 sont nécessaires. Il est possible de produire ce combustible dans un réacteur classique, mais aussi d’utiliser des déchets nucléaires transuraniens, du plutonium 239 ou de l’uranium 235.


Un scénario de transition du parc de réacteurs nucléaires à eau légère vers un parc RSF consisterait à brûler le plutonium existant en REP sur matrice thorium (TOX) de sorte à constituer un stock d’uranium 233 pour le démarrage de RSF. 


Ce scénario permettrait une production massive d’U233 sans investissement lourd dans de nouveaux réacteurs et de réduire rapidement les stocks de plutonium. 

En contrepartie, les premiers RSF à neutron rapide qui seraient construits recevraient des actinides et des transuraniens issus de la filière uranium.


Application du parc de réacteurs à eau pressurisée de la France : 


Le parc nucléaire français est suffisant pour démarrer 1 à 2 RSF par an. La transition prendrait deux décennies. Les réacteurs seraient des surgénérateurs, de l’ordre de 2 à 10 % selon les conceptions. 

La production d’électricité nucléaire pourrait ensuite croître à un rythme comparable à l’augmentation de la demande d’électricité en France. Il serait aussi possible de miser sur un parc nucléaire mixte.


  1. PROJETS DE RECHERCHE EN COURS DANS LE MONDE


  • Le projet de plus grande ampleur est mené par la Chine. Le projet serait doté d’un financement de 250 millions de dollars et prévoit d’aboutir dans moins de 20 ans. Le Dr Jiang Mianheng, fils de l’ancien premier secrétaire Jiang Zenin, dirige le projet. A noter que les USA collaborent avec la Chine sur ce projet ;


  • L’Inde, qui possède les plus grandes réserves de thorium, utilise déjà ce combustible dans certains CANDU à titre expérimental ;


  • Au Japon, le thorium est une des voix possibles cités pour l’avenir énergétique de l’archipel par la compagnie Chubu Electric Power ;


  • En France, le CNRS de Grenoble étudie, à très petite échelle, les avantages et les inconvénients de cette filière nucléaire en émergence ;


  • La Norvège étudie la question notamment l’utilisation de combustible THOX dans le cadre de la préparation d’une transition vers le nucléaire thorium ;


  • Des entrepreneurs privés comme Flibe Energy (US) ou Thorium Energy (Australie et Tchèque) sont aussi engagés dans la mise au point de ces réacteurs ;


  • La fondation Weinberg (Royaume-Uni) a été fondée en septembre 2011 pour promouvoir la production d’énergie à base de thorium, de même que d’autres organisations non gouvernementales comme la THORIUM ENERGY ALLIANCE (US)



CONCLUSION


Au vu du potentiel incroyable du thorium pour notre indépendance énergétique, au vu du risque de brevet exclusif obtenu par la Chine, au vu des difficultés relatifs aux EPR, au vu des délais importants d’industrialisation de la fusion nucléaire (projet ITER), je préconise de lancer très rapidement un plan de recherche très ambitieux pour se doter avant la fin de la décennie de réacteurs au thorium et devenir leader dans cette technologie d’avenir.


La France possède les chercheurs nucléaires, les matières premières pour mener à termes ce projet en moins de 5 ans.


1 Cela correspond à une réaction en chaîne où un noyau d’uranium 238 (non fissile), en capturant un neutron, se transforme en plutonium 239, qui, lui, est fissile. Cette réaction s’entretient, le plutonium, frappé à son tour par un autre neutron, se transforme en plutonium 239, qui, lui, est fissile. Ce plutonium, frappé à son tour par un autre neutron, fissionne alors en libérant de l’énergie et des neutrons qui entretiennent la réaction. Le cœur serait refroidi non pas par de l’eau mais du sodium, du plomb ou de l’hélium. Ce type de réacteur est aussi appelé régénérateur car il reconstitue le matériau fissile – plutonium 238 – qu’il consomme. L’idée d’utiliser cette réaction n’est pas neuve ; C’est sur ce principe qu’à fonctionné Superphénix jusqu’en 1997. Mais ce prototype s’est avéré trop couteux et complexe. Un réacteur régénérateur fonctionnant sur le cycle de l’U/Pu devrait donc être considérablement amélioré.

2 Le laboratoire de physique subatomique et de cosmologie (LPSC) de Grenoble travaille sur le cycle du thorium. Dans la réaction en chaîne, le noyau de thorium capture un neutron et se transforme finalement en atome d’uranium 233, qui est fissile.

3 La radioactivité du thorium a été découverte en 1898 par Marie Curie. Le thorium est un métal lourd radioactif, nommé en l’honneur du dieu scandinave du tonnerre Thor (découverte de gisement en Norvège).

4 Un réacteur à sels fondus fonctionne à pression ambiante, ce qui simplifie considérablement sa conception et réduit son coût. La haute température de fonctionnement permet de transformer entre 45 et 50 % de l’énergie de fission en électricité, et l’état liquide permet d’extraire uniquement les produits de fission des sels, réduisant drastiquement les déchets en termes de quantité, durée de radioactivité et chaleur dégagée. Le réacteur prend la forme d’une cuve métallique contenant le sel à haute température (600 à 900 °C) mais à pression ambiante. La réaction nucléaire est déclenchée par la concentration en matière fissile dans le réacteur ou par le passage dans un bloc modérateur en graphite. Le combustible fissile peut être de l’uranium 235, du plutonium ou de l’uranium 233, issus de la conversion du thorium. Un réacteur à sel fondu peut assurer lui-même sa surgénération à l’aide d’une couverture fertile contenant l’isotope fertile à irradier. Sur le plan chimique, des sels composés de chlorures pourraient être également utilisés, mais le chlore a le gros désavantage de produire par activation neutronique du chlore 36 d’une période de 301 000 ans, qui en fait un déchet à longue vie nucléaire, alors que le fluor ne présente pas cet inconvénient.

5 Mélange de fluorures de lithium et d’uranium.

6 Cette conception nécessite un cœur en graphite percé d’un ou plusieurs canaux. Le sel (à base de fluor et de lithium) est pompé à travers ce dispositif. Le liquide devient critique quand il passe dans le cœur en graphite qui sert de modérateur. La température du sel augmente d’une centaine de degrés, le débit de passage dans le modérateur permet de contrôler la puissance du réacteur.

7 En configuration « neutrons rapides », une charge initiale plus importante de combustible fissile permet de se passer de modérateur. Dans ce cas également, ce sont des sels de fluorures qui sont privilégiés. La puissance du réacteur est maîtrisée par la dilatation du sel : dès la conception du réacteur, le régime maximal est défini par la concentration en matière fissile et le volume du réacteur. Sous l’effet de la température de dilation du sel réduit la probabilité de fission et ralentit le réacteur jusqu’au point d’équilibre.

8 Le réacteur au thorium fabrique mille fois moins d’actinides mineurs (neptunium, américium et curium) que les réacteurs actuels. Ces éléments induisent une très forte radioactivité à long terme. Les centrales au thorium peuvent « incinérer » les déchets des centrales à l’uranium, y compris le plutonium, réduisant les déchets au minimum. L’activité du centre d’enfouissement de Bure pourra être considérablement réduit.

9 Rhodia La Rochelle : 6200 tonnes – Areva / CEA Cadarache : 2300 tonnes sous forme de nitrate et d’hydroxyde. Dans les années 60, à Cadarache, il y avait une exploitation de minerai urano-thoranite pour extraire l’uranium. L’uranium a été valorisé et le thorium a été laissé en sous-produit. A la Rochelle, dans les années 70, Thodia a commencé le traitement d’un minerai monazite, avec un contenu en thorium de 6 à 7 % , pour extraire les matières terres rares.

10 Les Chinois veulent transformer le thorium en sauveur de leur secteur énergétique nucléaire et en un petit, mais efficace, outil géopolitique. Ainsi, la Chine veut obtenir le brevet sur toutes les technologies de la filière civile nucléaire au thorium. Au vu de l’argent investi, ils peuvent y arriver. Pour l’heure, jusque fin 2013, les droits d’auteurs prioritaires pour le développement des technologies de réacteurs au thorium dans 23 pays sont détenus par la Russie.

11 L’Inde a très peu d’uranium et ne peut pas en importer facilement car elle n’a pas signé le traité de non prolifération. Par contre, elle dispose de gros gisements de thorium.