Résumé : L'union
européenne et certains pays du continent américain ont entamés
voilà plusieurs années une démarche d'instauration de zones
économiques de libre-échange. Aussi, les traités en découlant
couvraient jusqu'à présent un spectre spécifique et ne globalisait
pas le libre-échange jusqu'à obtenir une zone économie non
homogène sans barrières douanière ni réglementaire. Les nouveaux
traités qui seront ratifiés en 2016 ont de cela de nouveau qu'il
globalise le paradigme par des négociations supra-nationales
difficilement contrôlables par la représentation nationale. Ces
traités, bien que nous ne connaissons que partiellement le contenu,
posent de nombreuses questions, tant démocratique, économique,
monétaire, industriel, sanitaire et environnemental.
- Introduction
Les
accords1
de partenariat économique, de coordination politique et de
coopération ne date pas d'hier. En 1990, soit un an après la chute
du mur de Berlin, les états-unis et l'union européenne signent
ensemble la première résolution2
transatlantique. Le sommet union européenne – états unis de
décembre 1995 lance la construction institutionnelle de relations
transatlantiques, avec l'adoption d'une déclaration d'engagement
politique, du nouvel agenda transatlantique (NAT) et d'un programme
d'action commun approfondi. Puis, négocié secrètement entre 1995
et 1997 par les 29 états membres de l'OCDE, l'accord multilatéral
sur l'investissement (AMI) fut la première tentative3
d'établissement d'un grand marché transatlantique. Par ailleurs, un
accord de ce type fut conclut, entre la communauté européenne et
ses états membres, d'une part, et les états-unis du Mexique d'autre
part le 8 décembre 1997 à Bruxelles et est entré en vigueur le 1er
octobre 2000. L'accord a créé un libre-échange entre le Mexique et
l'Union européenne (FTA EU-MX) et concernait principalement les
taxes applicables aux importations et exportations de services et de
marchandises.
Contrairement
à ce premier accord qui fut présenté à la représentation
nationale en 1997 et qui a fait l'office de débats dans les
assemblées4
, le traité de libre-échange transatlantique (TAFTA en anglais)
semble échapper à tous contrôles démocratiques jusqu'à présent.
Le partenariat transatlantique de commerce et d'investissement (PTCI,
TTIP en anglais) ou TAFTA est un accord commercial de négociation
entre l'union européenne et les états-unis prévoyant la création
d'une zone de libre-échange transatlantique souvent appelée grand
marché transatlantique5.
Depuis
20066,
le parlement européen adopte régulièrement des résolutions7
invitant à la création effective d'un marché transatlantique :
- résolution n° 2006-0238 du
1 juin 2006 relatif à l'accord de partenariat transatlantique union
européenne / états-unis ;
- résolution n° 2006-0239 du
1 juin 2006 relatif aux relations économiques transatlantiques union
européenne / états-unis ;
- résolution n° 2007-0155 du
25 avril 2007 relatif aux relations transatlantiques ;
- résolution n° 2008-0192 du
8 mai 2008 relatif au conseil économique transatlantique ;
- résolution n° 2008-0256 du
5 juin 2008 relatif au sommet union européenne / états-unis ;
- résolution n° 2009-0193 du
26 mars 2009 relatif à l'état des relations transatlantiques suite
aux élections aux états-unis ;
- résolution n° 2010-0396 du
11 novembre 2010 relatif au prochain sommet union européenne / états
unis et conseil économique transatlantique ;
- résolution n° 2011-0510 du
17 novembre 2011 relatif au sommet union européenne / états-unis du
28 novembre 2011 ;
- résolution n° 2012-0388 du
23 octobre 2012 relatif aux relations commerciales et économiques
avec les états-unis ;
- résolution n° 2013-0227 du
23 mai 2013 relatif aux négociations en vue d'un accord en matière
de commerce et d'investissement entre l'union européenne et les
états-unis ;
- résolution n° 2013-0280 du
13 juin 2013 relatif au partenariat transatlantique élargi.
- Elaboration, ratification : Démocratique ?
Le 12 mars 2013, la commission
européenne publie un projet de mandat8
de négociation pour un « partenariat transatlantique de
commerce et d'investissement ». Les négociations se déroulent
dans le plus grand secret9
par 8 cycles :
- cycle 1 du 8 au 12 juillet
2013 à Washington ;
- cycle 2 du 11 au 15 novembre
2013 à Bruxelles ;
- cycle 3 du 16 au 20 décembre
2013 à Washington ;
- cycle 4 du 10 au 14 mars
2014 à Bruxelles ;
- cycle 5 du 19 au 29 mai 2014
à Washington ;
- cycle 6 du 14 au 17 juillet
2014 à Bruxelles ;
- cycle 7 du 29 septembre au 3
octobre 2014 à Washington ;
- cycle 8 du 2 au 6 février
2015 à Bruxelles ;
- cycle 9 du 20 au 24 avril
2015 à New York ;
- cycle 10 du 13 au 17 juillet
2015 à Bruxelles ;
- cycle 11 du 19 au 23 octobre
2015 à Miami.
Pour être effectif, le traité
devra être ratifié du côté européen par le parlement européen.
Si mixte10,
il pourra être ratifié par les parlements nationaux. Les
instigateurs du projet qualifient ce traité de commerciaux, depuis
le 22 mai 2014, plusieurs députés français et politiques allemands
le qualifient de mixte.
Le 28 mai 2015, la commission
du commerce international du parlement européen approuve par 28 voix
pour et 13 contre une résolution soutenant les négociations. Après
un report d'un mois, le parlement européen se prononce en séance
plénière en faveur de cette résolution par 436 pour, 241 contre
(dont les socialistes français et belges) et 32 abstentions.
En outre, pour la France,
l'article 53 de la constitution prévoit que les traités commerciaux
ne peuvent être ratifiés « qu'en vertu d'une loi ».
Toutefois, la ratification par la France du traité de Lisbonne
transfère la signature de traités de commerce à la compétence
exclusive de l'union européenne et le parlement français n'a plus à
être consulté de façon obligatoire lors de la signature de tels
traités par l'UE, sauf si ces traités comportent d'autres
dispositions commerciales.
Du côté américain, le
traité devra être ratifié par le congrès des états-unis. La
majorité des sénateurs est favorable.
3.
Contenu
Le contenu de l'accord final
n'est pas totalement connu mais certaines informations permettent
déjà d'en connaître les contours, compte-tenu des éléments
connus des résolutions et des traités similaires déjà négociés.
Son périmètre bien plus large que le commercial, installe les
fondements même d'une volonté de fédéralisme international comme
le souhaitait Kant lorsqu'il parlait de la création d'une république
universelle la Volksrepublik qui fusionnerait les États en un seul.
Cet accord est donc une nouveauté dans les accords de ce type. Il
les dépasse et touche à plusieurs fondements de souveraineté,
comme l'harmonisation des normes ou le règlement des différends
investisseurs – états. Les principales mesures sont :
-
abolition
des droits de douane :
Bien que les états-unis et l'union européenne bénéficient déjà
d'une intégration économique avancée, avec des droits de douane
relativement faibles, les 2 blocs n'ont pas ouverts jusqu'à présent
certains secteurs qui pourraient souffrir de l'ouverture totale :
l'agro-alimentaire, le textile, l'habillement, la chaussure, le
ferroviaire, les tracteurs, les voitures, les camions, les matières
premières raffinés, l'aéronautique, le spatial etc.
-
harmonisation
des normes :
Les accords transatlantiques devraient induire « une
harmonisation11
progressive des réglementations et de la reconnaissance des règles
et normes en vigueur », les pays signataires devant s'engager à
une « mise en conformité de leurs lois, de leurs règlements
et de leurs procédures » avec les dispositions du traité.
Dans ce cadre, la loi n'est plus l'émanation de la nation, de la
représentation nationale, mais une retranscription de lois et règles
édictées par des corporations commerciales marchandes n'ayant pour
fin que la production d'argent. L'intérêt général n'est plus,
l'argent devient le maître de la pensée et non pas le moyen
d'échange. L'inversion des valeurs économiques est complète.
-
ouverture
des marchés publics :
Les marchés publics européens seront ouverts aux entreprises
américaines et vis-versa.
-
règlement
des différends investisseurs-états :
L'accord prévoit un mécanisme de règlement des différends entre
investisseurs et états par l'utilisation d'arbitres12
indépendants.
4.
Enjeux
et défis
Les partisans de l'accord
tablent sur une croissance économique qui restent très faibles pour
l'UE (+0,32%) et plus avantageuse pour les pays du continent
américain (1 à 4% selon les pays). Beaucoup d'économistes
européens doutent du bienfaits de ce traité sur l'économie
européenne. Les modèles utilisés par les institutions
internationales surestiment « dans des proportions
importantes » les aspects positifs de ces accords. Les experts
prédisent a
contrario une
forte hausse du chômage dans l'union européenne et une perte de
marché dans les domaines aéronautique, spatial, agro-alimentaire.
En effet, évoluant dans une
zone économique non homogène, avec des normes environnementales,
sanitaires et sociales différentes, l'harmonisation se fera par le
bas. Les textes en discussion contiennent déjà des mesures visant à
l'harmonisation des réglementations affectant le commerce. Les
négociations pourraient affecter notamment les règles relatives à
l'alimentation, la santé publique, la vie privée et à certaines
conventions collectives dans les secteurs susceptibles d'être
ouverts à la concurrence.
De
fait, de nombreux secteurs seraient touchés par ces accords de
libre-échange et les normes13
et réglementations remises en cause comprendraient les normes
sanitaires14
pour l'alimentation et la sécurité, la protection de
l'environnement, le contrôle de l'impact carbone, la protection des
données numériques personnelles, la réglementation de la finance
et l'accès des entreprises étrangères aux marchés publics.
Enfin,
le principe d'extraterritorialité15
est contraire au principe de souveraineté. Il permet à un État
d'imposer l'application de ses propres lois sur un pays étranger.
5.
Mon
analyse
A l'instar de mon analyse sur
les dérives de la construction européenne actuellement, je pense
que ces traités forment une nouvelle étape dans la volonté
d'intégration cosmopolitique de gouvernement mondial supprimant
toutes subsidiarité, volonté du peuple, souveraineté.
Ce modèle peut s'apparenter à
un nouveau concept de gouvernance qui se caractérise par le pouvoir
du profit uniquement sans se soucier de la finalité première de
toute activité, le bien commun et le service de l'Homme.
La mise en place des
dispositions de ces traités aura une triple conséquence :
- politique :
la représentation nationale, émanation de la nation n'aura plus de
pouvoirs décisionnels et devra entériner, retranscrire des lois,
normes, décisions prises par des organismes étrangers, des
organisations commerciales comme des multinationales, creusant encore
plus le fossé existant entre la politique et le citoyen ;
- normative :
la convergence normative induite par l'application des traités et
surtout le mécanisme d'imposition de normes par des groupements
commerciaux et par d'autres états, provoquera un abaissement de la
sécurité sanitaire, technologique et une baisse des normes sociales
(baisses de la protection sociale et des salaires) ;
- économique :
la concurrence déloyale réalisée par les entreprises américaines,
mexicaines et canadiennes, les accords commerciaux multilatéraux
avec le Brésil et la Chine va conduire à shunter d'autres barrières
douanières que celles négociées par les traités en attente de
ratification, conduisant à une concurrence déloyale au sein du
secteur privé et public des états membres de l'union, réduisant
les débouchés pour les entreprises européennes.
6.
Mes
propositions
Afin de limiter l'impact de
ces traités, il faut :
- les dénoncer dans les
médias ;
- identifier les secteurs
stratégiques menacées et demander une exclusion d'application ;
- promouvoir la souveraineté
des peuples et refuser le chapitre relatif à l'arbitrage et aux
règles d'extraterritorialité. ;
- analyser les traités
existants et leurs conséquences sur la souveraineté des peuples,
leurs indépendances économiques, politiques, budgétaires,
monétaires, normatives et promouvoir la préférence communautaire.
1
Ce type d'accord dit « global » vise à un développement
bilatéral des relations dans divers domaines (économique,
politique, culturel, etc.) : Le Mexique a été le premier pays
d'Amérique a en avoir ratifié un. Il s'oriente vers un dialogue
politique renforcé entre les instances de l'union européenne et
le mexique, mais également, des pays membres de l'union
européenne : A cet effet, sont organisés des sommets biennaux
des représentants politiques, du conseil conjoint (niveau
ministériel) et du comité conjoint (niveau hauts fonctionnaires).
Sur le plan économique, la libéralisation et le développement des
échanges ont été accélérés avec la signature d'un traité de
libre échange en 1997. La coopération est renforcée avec un
investissement de l'union européenne dans 3 secteurs principaux :
cohésion sociale et bonne gouvernance, développement économique
et compétitivité, culture et éducation.
2
Promotion des principes de l'économie de marché, rejet du
protectionnisme, renforcement et ouverture à un système de
commerce multilatéral.
3
Divulguée in extremis, la
copie soulève une vague de protestations populaires, ainsi que
l'opposition du gouvernement français contraignant ses promoteurs à
l'abandonner.
5 En
cas de signature, le traité instituera la zone de libre-échange la
plus importante de l'histoire, couvrant 45,5 % du PIB mondial.
6
Voir communiqué de presse du 19 avril 2006 :
http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?type=IM-PRESS&reference=20060411IPR07197&format=XML&language=FR
7
Ces résolutions se caractérisent par une politique de convergence
UE/EU, notamment concernant le volume de leurs PIB respectifs, leur
modèle d'économie de marché et leur stratégie commune en matière
de politique étrangère, d'où en termes militaires, le retour de
la France totalement dans l'OTAN et le manque de stratégie de la
PESC qui se trouve asphyxié par l'omniprésence de l'OTAN.
8
Alors que les états membres de l'union européenne ne sont pas
prévenus, le conseil des ministres du commerce des états-membres
de l'union européenne adopte le projet le 14 juin 2013. Le mandat
est porté à la connaissance des parlements nationaux et du public
que le 9 octobre 2014. La France obtient l'exclusion du champ de
l'accord des services audiovisuels au nom de l'exception culturelle.
9
Le manque de transparence du processus et le caractère asymétrique
des informations sont dénoncés par de nombreux acteurs comme une
atteinte à la démocratie. Les citoyens n'ont aucun accès ni aux
documents préparatoires, ni aux comptes-rendus des négociations,
même les parlementaires n'en connaissent pas le détail. 11 états
membres de l'UE s'opposent à la diffusion du mandat. En octobre
2015, le président du Bundestag menace de dire non au traité
transatlantique, à la suite du refus de l'ambassade américaine de
Berlin de laisser une délégation de parlementaires allemands
consulter les documents des négociations.
10
Comportant des dispositions autres que spécifiques commerciales.
11
Cette intégration passant par la convergence normative, la
reconnaissance mutuelle des systèmes par l'accréditation, visant à
toujours plus consommer sans se soucier de la finalité de
l'économie qui doit rester au service de l'Homme.
12
Le recours à l'arbitrage est présent dans de nombreux traités de
libre-échange et a pour objectif d'accorder plus de pouvoir aux
entreprises face aux états, en permettant à une firme d'attaquer
un état devant un tribunal arbitral international : le centre
international pour le règlement des différends relatifs aux
investissements (Cirdi), qui est un organe dépendant de la banque
mondiale basé à Washington.
13
L'adoption de normes plus restrictives par la suite, pour répondre
aux préoccupations de la société civile ou à de nouveaux enjeux,
pourrait être freinée par l'existence d'un accord si l'une des
parties s'oppose à cette modification.
14
Des tentatives de suppression des réglementations en matière de
santé publique sont confirmées par les discours des associations
patronales. Ainsi, l'association nationale des confiseurs américains
explique que « l'industrie américaine voudrait que le TUPP
avant sur cette question en supprimant la labellisation OGM et les
normes de traçabilité et le conseil national des producteurs de
porc affirme que les producteurs de porc américains n'accepteront
pas d'autre résultat que la levée de l'interdiction européenne de
la ractopamine alors que cet additif bêta-agoniste est interdit
dans 160 pays dont ceux de l'union européenne, la russie et la
chine.
15
Bien que défini par d'autres fondements législatifs, ce principe
rappelle les péripéties des banques françaises condamnées par
les états-unies à de lourdes amendes pour avoir commercer avec des
pays sous embargos américains.
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