dimanche 26 avril 2020

3 juin 2019 : La participation, la solution aux maux de notre société ?


Au moment de la réforme du revenu minimum d’activités (RMI1, puis RSA2 et bientôt RUA3), après une loi PACTE qui a ajouté une petite dose de participation supplémentaire dans notre société, après l’émergence du mouvement des gilets jaunes, dont les membres réclamaient plus de démocratie directe, nous pouvons nous poser la question si la solution ne serait pas une plus grande responsabilisation du Peuple par une mise en place du « principe » de participation partout où cela est possible.
Le terme de la participation a occupé dans les pensée du GAL de Gaulle une place centrale ; au cœur des débats du RPF, il a donné lieu à de nombreuses réflexions dès 1940. Pourtant, il est encore courant de lire que la participation serait restée une notion « floue », ou au mieux une « généreuse velléité ». Deux dates rythment cette construction : l’ordonnance du 7 janvier 1959 sur l’intéressement et les trois ordonnances du 17 août 1967 sur la participation. Inachevée, l’utilisation de la participation pourrait bien devenir dans toutes les strates de la société la solution pour redresser la France.
  1. L’ordonnance du 7 janvier 1959
Parmi les mesures de reconstruction de la France, dans le contexte de la crise politique au début de la Cinquième République, l’ordonnance de janvier 1959 est passée relativement inaperçue. Pointant sa désignation habituelle, « ordonnance sur l’intéressement » est trop restrictive, elle dessine déjà l’ébauche de ce qui doit devenir la participation et occupe une place centrale dans le dispositif de reconstruction de la société. Son titre réel est « ordonnance tendant à favoriser l’association ou l’intéressement des travailleurs à l’entreprise ». Elle répond au souci de construire une troisième voie entre capitalisme, qui « porte en lui-même les motifs de l’insatisfaction massive et perpétuelle », comme encore aujourd’hui partiellement pour le mouvement des gilets jaunes et le communisme, qui « comporte une tyrannie odieuse imposée à la personne et plonge la vie dans l’atmosphère lugubre du totalitarisme ».
Inscrite dans le code du travail - art. L 3322-2 du CT4 - pour son volet obligatoire, et – art. L 3323-6 du CT5 - pour son volet volontaire, elle bénéficie à tous les salariés des entreprises de plus de 50 employés, quel que soit leur type de contrat (CDD ou CDI). Les personnels intérimaires bénéficient de la participation via leur société d’intérim (ancienneté ramenée à 60 jours consécutifs ou non au cours du dernier exercice uniquement).
En 1970, juste avant son décès réaffirmait clairement sa pensée : « Condamnant à notre civilisation d’en construire un nouveau, qui règle les rapports humains de telle sorte que chacun participe directement aux résultats de l’entreprise à laquelle il apporte son effort et revête la dignité d’être, pour sa part, responsable de la marche de l’œuvre collective dont dépend son propre destin. N’est-ce pas là la transposition sur le plan économique, compte-tenu des données qui lui sont propres, de ce que sont dans l’ordre politique les droits et les devoirs du citoyen ? »
  1. Situation actuelle
2.1. La participation historique :
Aujourd’hui encore la participation des salariés aux résultats de l’entreprise existe. Environ 5 millions de salariés sont concernés. La participation est exonérée d’impôts et de cotisation (hors CSG et CRDS) si elle reste placée 5 ans. Elle est en revanche soumise au forfait social. Depuis 2012, 8 % sont prélevés sur les sommes gagnées par le salarié et la société doit payer elle 20 % de la somme brute versée au salarié. Pour un coût de revient de 100 € pour l’entreprise, un salarié se voit attribuer 76,66 €.
La participation est calculée comme ceci :
RSP = 0,5 (B + 5% C) (S/VA)
Avec :
- RSP : montant de la réserve spéciale de participation
- S : assiette salariale constituée par le montant des rémunérations brutes payées au cours de l’année civile (salaires, indemnités de congés payés, retenues pour cotisations ouvrières, indemnités soumises à cotisations sociales (dont les indemnités de départ à la retraite), les primes, les gratifications, les avantages en nature, les autres sommes soumises à cotisations sociales)
- B : bénéfice de référence, égal au bénéfice fiscal avant l’impôt sur les sociétés
- C : capitaux propres de l’entreprise correspondant au total des capitaux propres de l’entreprise y compris les provisions fiscalement non déductibles (provision pour impôt, provision pour retraite) présentes en début d’exercices, diminuées des écarts de réévaluation entre l’année N-1 et l’année N, du résultat de l’exercice, des subventions d’investissement et des provisions réglementés (sauf amortissements dérogatoires)
- VA : valeur ajoutée (somme des salaires et cotisations sociales, impôts et taxes, dotations aux amortissements et provisions, charges d’exploitation, charges financières, résultat courant avant impôt)
Rem : Le taux de 5 % représente le coût financier du capital, c’est-à-dire le coût de l’argent du capital. Ce taux a été fixé en 1967 et jamais revu depuis lors.
Le coefficient 0,5 , qui fut surnommé « coefficient scélérat » en 1967, trouvait alors sa justification avec le taux d’impôt sur les sociétés (50 % à l’époque). En effet, la déductibilité de la réserve spéciale de participation (RSP) et de la provision pour intéressement (PPI, égale à la RSP) rendait neutre le coût de la participation pour l’entreprise la première année.
2.2. La loi PACTE
Partant du constat que seuls 16 % des salariés des entreprises de moins de 50 salariés sont couverts par au moins un dispositif d’épargne salariale, le gouvernement a par la loi PACTE améliorer l’accessibilité de ce dispositif par :
- la suppression du forfait social : depuis le 1er janvier 2019, le forfait social est supprimé sur les sommes versées au titre de l’intéressement pour les entreprises de moins de 250 salariés, ainsi que sur l’ensemble des versements d’épargne salariale (intéressement, participation, abondement de l’employeur sur un plan d’épargne salariale) pour les entreprises de moins de 50 salariés ;
- des accord d’intéressement et de participation « clé en mains » : Des accords-types négociés au niveau de la branche et adaptés au secteur d’activité, facilite le déploiement de ces dispositifs dans la PME. Ces modèles simplifiés d’accords sont mis en ligne sur le site du ministère du Travail. Les PME qui ne disposent pas de services juridiques spécialisés pourront opter pour l’application directe de l’accord-type négocié au niveau de la branche.
- des bénéficiaires étendus au conjoint collaborateur ou associé : Le conjoint du chef d’entreprise lié par un PACS, et qui dispose du statut de conjoint collaborateur ou associé, pourra bénéficier de l’intéressement, de la participation et de l’épargne salariale comme c’est le cas aujourd’hui dans le cadre d’un mariage.
- la facilitation de la mise en place d’un plan d’épargne retraite collectif (PERCO) : L’obligation de disposer d’un plan d’épargne employé (PEE) pour mettre en place un plan d’épargne retraite collectif (PERCO) est levée afin de faciliter ces produits d’épargne longue dans les entreprises qui le souhaitent.
- une meilleure information des salariés sur leur épargne salariale : Les sommes détenues sur les plans d’épargne salariale et leur disponibilité sont souvent peu lisibles et non uniformisées entre les différents gestionnaires d’actifs. Cette mesure permettra de simplifier l’accès au dispositif d’épargne salariale et leur meilleure compréhension par les bénéficiaires.
La loi PACTE introduit :
- l’actionnariat salarié dans les sociétés à capitaux publics par une extension du champ des opérations soumises à obligation d’offre réservée aux salariés (ORS) et par des clarifications visant à simplifier et à favoriser les opérations dans le cadre des plans d’actionnariat salarié des entreprises ;
- l’actionnariat salarié dans les entreprises privées :
* Un forfait social réduit pour l’abondement employeur dans l’actionnariat salarié (pour toutes les entreprises de plus de 50 salariés, le forfait social est abaissé à un taux de 10 % pour les abondements de l’employeur, lorsque le salarié investit dans les produits d’actionnariat salarié) ;
* Possibilité d’abondement unilatéral par l’employeur (L’employeur peut abonder unilatéralement un support d’investissement en actionnariat salarié dans un plan d’épargne entreprise (PEE). L’obligation pour un employé d’effectuer un versement est supprimée) ;
* Simplification de l’actionnariat salarié dans les sociétés par actions simplifiées (SAS) (Aujourd’hui, les offres d’actions aux salariés dans les SAS ne sont possibles que pour un maximum de 149 salariés ou en exigeant un ticket minimal de 100 k€. Cette contrainte est levée pour développer l’actionnariat dans ces entreprises.
  1. L’avenir de la participation
La participation des travailleurs les responsabilise. Mieux se portent les entreprises où ils travaillent, plus ils bénéficient du dispositif actuel, ce qui augmente la motivation des travailleurs.
La Loi pacte va plus loin, elle facilite l’entrée au capital des salariés dans l’entreprise. Cette disposition va dans le bon sens, toutefois, je doute que les salariés mesurent un certain changement. En effet, ces petits porteurs n’ont pas le droit à la parole. Toutefois, pour les PME, ce dispositif permet d’éviter des levées de fonds avec des capitaux étrangers à l’entreprise, qui peut conduire à un changement de politique interne à l’entreprise cassant une dynamique d’entreprise fraternelle et responsable.
Pour moi, il faut aller plus loin dans la participation, permettre à tous les salariés de proposer des améliorations de processus ou d’outillage, des produits innovants, faisant gagner en rentabilité mais aussi en parts de marché. A l’instar de ce que fut la mission pour le développement de l’innovation participative (MIP) créée par l’amiral Le Pichon il y a 30 ans au ministère des armées, et dissoute en octobre 2018 dans l’agence innovation défense qui galvaude les principes mêmes de la participation. Favoriser l’innovation interne, la délivrance de brevets co-détenus par l’entreprise et le salarié, l’entrée au capital des inventions de ces salariés talentueux, permettraient de fidéliser les plus brillants d’entre eux et d’assurer une avancée technologique à l’entreprise tout en augmentant notre commerce extérieur qui en a tant besoin.
La participation ne se limite pas non plus à la seule sphère de l’entreprise. La participation à la vie de la cité par les référendums d’initiative populaire dont les thèmes pourraient être décidés par les élus et par un collectif de citoyen permettraient de responsabiliser les citoyens.
N’oublions pas les défis participatifs pour tous, qui permettraient de recueillir les bonnes idées de tous les citoyens d’une commune, d’une communauté de communes, d’un département, d’une région, à l’instar du grand débat, à la condition que toutes les propositions soient correctement étudiées.
1 Revenu minimum d’insertion.

2 Revenu de solidarité active.

3 Revenu universel d’activité.

4 Les entreprises employant habituellement au moins cinquante salariés garantissent le droit de leurs salariés à participer aux résultats de l’entreprise. Il en va de même pour les entreprises constituant une unité économique et sociale d’au moins cinquante salariés reconnue dans les conditions prévues à l’article L 2322-4 du CT.

5 Les entreprises avec un effectif inférieur à 50 salariés et qui souhaitent faire bénéficier leurs salariés des résultats de l’entreprise, peuvent tout à fait le décider par un accord de participation.

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