Au moment de la réforme du revenu minimum d’activités (RMI1,
puis RSA2
et bientôt RUA3),
après une loi PACTE qui a ajouté une petite dose de participation
supplémentaire dans notre société, après l’émergence du
mouvement des gilets jaunes, dont les membres réclamaient plus de
démocratie directe, nous pouvons nous poser la question si la
solution ne serait pas une plus grande responsabilisation du Peuple
par une mise en place du « principe » de participation
partout où cela est possible.
Le terme de la participation a occupé dans les pensée du GAL de
Gaulle une place centrale ; au cœur des débats du RPF, il a
donné lieu à de nombreuses réflexions dès 1940. Pourtant, il est
encore courant de lire que la participation serait restée une notion
« floue », ou au mieux une « généreuse
velléité ». Deux dates rythment cette construction :
l’ordonnance du 7 janvier 1959 sur l’intéressement et les trois
ordonnances du 17 août 1967 sur la participation. Inachevée,
l’utilisation de la participation pourrait bien devenir dans toutes
les strates de la société la solution pour redresser la France.
- L’ordonnance du 7 janvier 1959
Parmi les mesures de
reconstruction de la France, dans le contexte de la crise politique
au début de la Cinquième République, l’ordonnance de janvier
1959 est passée relativement inaperçue. Pointant sa désignation
habituelle, « ordonnance sur l’intéressement » est
trop restrictive, elle dessine déjà l’ébauche de ce qui doit
devenir la participation et occupe une place centrale dans le
dispositif de reconstruction de la société. Son titre réel est
« ordonnance tendant à favoriser l’association ou
l’intéressement des travailleurs à l’entreprise ». Elle
répond au souci de construire une troisième voie entre capitalisme,
qui « porte en lui-même les motifs de l’insatisfaction
massive et perpétuelle », comme encore aujourd’hui
partiellement pour le mouvement des gilets jaunes et le communisme,
qui « comporte une tyrannie odieuse imposée à la personne et
plonge la vie dans l’atmosphère lugubre du totalitarisme ».
Inscrite dans le code du
travail - art. L 3322-2 du CT4
- pour son volet obligatoire, et – art. L 3323-6 du CT5
- pour son volet volontaire, elle bénéficie à tous les salariés
des entreprises de plus de 50 employés, quel que soit leur type de
contrat (CDD ou CDI). Les personnels intérimaires bénéficient de
la participation via leur société d’intérim (ancienneté ramenée
à 60 jours consécutifs ou non au cours du dernier exercice
uniquement).
En 1970, juste avant son décès
réaffirmait clairement sa pensée : « Condamnant à notre
civilisation d’en construire un nouveau, qui règle les rapports
humains de telle sorte que chacun participe directement aux résultats
de l’entreprise à laquelle il apporte son effort et revête la
dignité d’être, pour sa part, responsable de la marche de l’œuvre
collective dont dépend son propre destin. N’est-ce pas là la
transposition sur le plan économique, compte-tenu des données qui
lui sont propres, de ce que sont dans l’ordre politique les droits
et les devoirs du citoyen ? »
- Situation actuelle
2.1. La participation
historique :
Aujourd’hui encore la
participation des salariés aux résultats de l’entreprise existe.
Environ 5 millions de salariés sont concernés. La participation est
exonérée d’impôts et de cotisation (hors CSG et CRDS) si elle
reste placée 5 ans. Elle est en revanche soumise au forfait social.
Depuis 2012, 8 % sont prélevés sur les sommes gagnées par le
salarié et la société doit payer elle 20 % de la somme brute
versée au salarié. Pour un coût de revient de 100 € pour
l’entreprise, un salarié se voit attribuer 76,66 €.
La participation est calculée
comme ceci :
RSP = 0,5 (B + 5% C) (S/VA)
Avec :
- RSP : montant de la
réserve spéciale de participation
- S : assiette salariale
constituée par le montant des rémunérations brutes payées au
cours de l’année civile (salaires, indemnités de congés payés,
retenues pour cotisations ouvrières, indemnités soumises à
cotisations sociales (dont les indemnités de départ à la
retraite), les primes, les gratifications, les avantages en nature,
les autres sommes soumises à cotisations sociales)
-
B : bénéfice de référence, égal au bénéfice fiscal avant
l’impôt sur les sociétés
- C : capitaux propres de
l’entreprise correspondant au total des capitaux propres de
l’entreprise y compris les provisions fiscalement non déductibles
(provision pour impôt, provision pour retraite) présentes en début
d’exercices, diminuées des écarts de réévaluation entre l’année
N-1 et l’année N, du résultat de l’exercice, des subventions
d’investissement et des provisions réglementés (sauf
amortissements dérogatoires)
- VA : valeur ajoutée
(somme des salaires et cotisations sociales, impôts et taxes,
dotations aux amortissements et provisions, charges d’exploitation,
charges financières, résultat courant avant impôt)
Rem : Le taux de 5 %
représente le coût financier du capital, c’est-à-dire le coût
de l’argent du capital. Ce taux a été fixé en 1967 et jamais
revu depuis lors.
Le coefficient 0,5 , qui fut
surnommé « coefficient scélérat » en 1967, trouvait
alors sa justification avec le taux d’impôt sur les sociétés
(50 % à l’époque). En effet, la déductibilité de la
réserve spéciale de participation (RSP) et de la provision pour
intéressement (PPI, égale à la RSP) rendait neutre le coût de la
participation pour l’entreprise la première année.
2.2. La loi PACTE
Partant du constat que seuls
16 % des salariés des entreprises de moins de 50 salariés sont
couverts par au moins un dispositif d’épargne salariale, le
gouvernement a par la loi PACTE améliorer l’accessibilité de ce
dispositif par :
-
la suppression du forfait social : depuis le 1er
janvier 2019, le forfait social est supprimé sur les sommes versées
au titre de l’intéressement pour les entreprises de moins de 250
salariés, ainsi que sur l’ensemble des versements d’épargne
salariale (intéressement, participation, abondement de l’employeur
sur un plan d’épargne salariale) pour les entreprises de moins de
50 salariés ;
- des accord d’intéressement
et de participation « clé en mains » : Des
accords-types négociés au niveau de la branche et adaptés au
secteur d’activité, facilite le déploiement de ces dispositifs
dans la PME. Ces modèles simplifiés d’accords sont mis en ligne
sur le site du ministère du Travail. Les PME qui ne disposent pas de
services juridiques spécialisés pourront opter pour l’application
directe de l’accord-type négocié au niveau de la branche.
- des bénéficiaires étendus
au conjoint collaborateur ou associé : Le conjoint du chef
d’entreprise lié par un PACS, et qui dispose du statut de conjoint
collaborateur ou associé, pourra bénéficier de l’intéressement,
de la participation et de l’épargne salariale comme c’est le cas
aujourd’hui dans le cadre d’un mariage.
- la facilitation de la mise
en place d’un plan d’épargne retraite collectif (PERCO) :
L’obligation de disposer d’un plan d’épargne employé (PEE)
pour mettre en place un plan d’épargne retraite collectif (PERCO)
est levée afin de faciliter ces produits d’épargne longue dans
les entreprises qui le souhaitent.
- une meilleure information
des salariés sur leur épargne salariale : Les sommes détenues
sur les plans d’épargne salariale et leur disponibilité sont
souvent peu lisibles et non uniformisées entre les différents
gestionnaires d’actifs. Cette mesure permettra de simplifier
l’accès au dispositif d’épargne salariale et leur meilleure
compréhension par les bénéficiaires.
La loi PACTE introduit :
- l’actionnariat salarié
dans les sociétés à capitaux publics par une extension du champ
des opérations soumises à obligation d’offre réservée aux
salariés (ORS) et par des clarifications visant à simplifier et à
favoriser les opérations dans le cadre des plans d’actionnariat
salarié des entreprises ;
- l’actionnariat salarié
dans les entreprises privées :
* Un forfait social réduit
pour l’abondement employeur dans l’actionnariat salarié (pour
toutes les entreprises de plus de 50 salariés, le forfait social est
abaissé à un taux de 10 % pour les abondements de l’employeur,
lorsque le salarié investit dans les produits d’actionnariat
salarié) ;
* Possibilité d’abondement
unilatéral par l’employeur (L’employeur peut abonder
unilatéralement un support d’investissement en actionnariat
salarié dans un plan d’épargne entreprise (PEE). L’obligation
pour un employé d’effectuer un versement est supprimée) ;
*
Simplification de l’actionnariat salarié dans les sociétés par
actions simplifiées (SAS) (Aujourd’hui, les offres d’actions aux
salariés dans les SAS ne sont possibles que pour un maximum de 149
salariés ou en exigeant un ticket minimal de 100 k€. Cette
contrainte est levée pour développer l’actionnariat dans ces
entreprises.
- L’avenir de la participation
La participation des
travailleurs les responsabilise. Mieux se portent les entreprises où
ils travaillent, plus ils bénéficient du dispositif actuel, ce qui
augmente la motivation des travailleurs.
La Loi pacte va plus loin,
elle facilite l’entrée au capital des salariés dans l’entreprise.
Cette disposition va dans le bon sens, toutefois, je doute que les
salariés mesurent un certain changement. En effet, ces petits
porteurs n’ont pas le droit à la parole. Toutefois, pour les PME,
ce dispositif permet d’éviter des levées de fonds avec des
capitaux étrangers à l’entreprise, qui peut conduire à un
changement de politique interne à l’entreprise cassant une
dynamique d’entreprise fraternelle et responsable.
Pour moi, il faut aller plus
loin dans la participation, permettre à tous les salariés de
proposer des améliorations de processus ou d’outillage, des
produits innovants, faisant gagner en rentabilité mais aussi en
parts de marché. A l’instar de ce que fut la mission pour le
développement de l’innovation participative (MIP) créée par
l’amiral Le Pichon il y a 30 ans au ministère des armées, et
dissoute en octobre 2018 dans l’agence innovation défense qui
galvaude les principes mêmes de la participation. Favoriser
l’innovation interne, la délivrance de brevets co-détenus par
l’entreprise et le salarié, l’entrée au capital des inventions
de ces salariés talentueux, permettraient de fidéliser les plus
brillants d’entre eux et d’assurer une avancée technologique à
l’entreprise tout en augmentant notre commerce extérieur qui en a
tant besoin.
La participation ne se limite
pas non plus à la seule sphère de l’entreprise. La participation
à la vie de la cité par les référendums d’initiative populaire
dont les thèmes pourraient être décidés par les élus et par un
collectif de citoyen permettraient de responsabiliser les citoyens.
N’oublions pas les défis
participatifs pour tous, qui permettraient de recueillir les bonnes
idées de tous les citoyens d’une commune, d’une communauté de
communes, d’un département, d’une région, à l’instar du
grand débat, à la condition que toutes les propositions soient
correctement étudiées.
1
Revenu minimum d’insertion.
2
Revenu de solidarité active.
3
Revenu universel d’activité.
4
Les entreprises employant habituellement au moins cinquante salariés
garantissent le droit de leurs salariés à participer aux résultats
de l’entreprise. Il en va de même pour les entreprises
constituant une unité économique et sociale d’au moins cinquante
salariés reconnue dans les conditions prévues à l’article L
2322-4 du CT.
5
Les entreprises avec un effectif inférieur à 50 salariés et qui
souhaitent faire bénéficier leurs salariés des résultats de
l’entreprise, peuvent tout à fait le décider par un accord de
participation.
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